Aciers verts : où en sommes-nous ?

On en parle de plus en plus. Les marchés publics tout comme certains clients privés en réclament, « l’acier vert » a le vent en poupe. Avec la prise de conscience écologique de ces dernières années, la demande d’acier vert s’accélère. Mais derrière cette appellation, quelle réalité revêt ce terme aujourd’hui ? Où en sommes-nous dans la considération environnementale de l’industrie sidérurgique ? Quelles technologies nouvelles émergent pour verdir le secteur ? Décryptage.

Réduire de 55% les émissions carbone d’ici 2030

L’enjeu est de taille. La sidérurgie, à l’échelle mondiale, représente 7% des émissions globales de carbone. Assainir ce secteur nécessite de le repenser intégralement. D’autant plus que les besoins d’acier pourraient continuer à augmenter d’ici 2050. L’Union Européenne fixe, par ailleurs, un objectif très ambitieux de réduire les émissions de carbone de 55% d’ici à 2030, visant la neutralité pour le climat d’ici à 2050. La sidérurgie aura donc un rôle important à jouer pour l’atteinte de ces objectifs. Les paris sont pris.

Aujourd’hui, l’acier décarboné n’existe pas encore mais…

D’abord, il est prématuré d’annoncer que les aciers sortant des usines aujourd’hui sont « verts ». La terminologie « d’acier vert » semble d’ailleurs inappropriée puisqu’elle ne définit rien et relève plus d’une approche de marketing. On préférera, de notre côté nommer, cela « l’acier décarboné ». Une certaine opacité peut exister dans les faits. Face à une demande qui augmente, certains fabricants peuvent faire valoir des marques ou des « certificats d’aciers verts » mettant en exergue des propriétés vertes des aciers. Mais cela se résume souvent à des démarches administratives ou à des mécanismes de compensation carbone qui ne réduisent pas réellement les émissions.

Le principal écueil que l’on peut rencontrer et qui entrave beaucoup la lecture de ce phénomène est qu’il n’existe aucun référentiel européen définissant ce qu’est de l’acier décarboné. Cela ouvre la porte à la création de labels ou de certificats maison où chacun fixe ses propres indicateurs, généralement qui leurs sont favorables, pour apposer un label maison de « l’acier décarboné » ou « acier vert ».

De nombreux investissements et de hautes ambitions

Même si à ce jour, rien de consistant n’existe, toute la filière est en ordre de marche pour faire évoluer les choses rapidement. De très lourds investissements sont programmés et de nombreuses expérimentations passent maintenant en phase de réalisation à échelle industrielle. Pour bien comprendre la nature des enjeux, il est important de savoir que deux méthodes existent pour la production d’acier.

Filière fonte

A partir de coke et de minerai de fer qui sont introduits dans un haut fourneau, on obtient de la fonte par réduction chimique. La transformation en acier s’obtient par convertisseur à oxygène pour éliminer le surplus de carbone.

Filière ferraille

A partir de récupération de ferrailles, on utilise un four à arc électrique pour faire fondre la ferraille et lui redonner une nouvelle forme.

Aujourd’hui, la filière ferraille est moins émettrice puisqu’il ne lui faut qu’un huitième de l’énergie de la filière fonte pour produire une tonne d’acier. Et en plus, il s’agit essentiellement que d’énergie électrique pour lesquels les sources de renouvelables existent. Il serait donc logique de penser qu’il faut la privilégier par rapport à la filière fonte. Mais malheureusement la ressource disponible est limitée dans la mesure où l’essentiel de l’acier produit est immobilisé pour des décennies dans les bâtiments. Il est donc indispensable de se pencher sur la décarbonation de la filière fonte. Et beaucoup d’avancées ont déjà été produites.

1- Optimisation des procédés de production existants des hauts fourneaux

Il a été démontré que dans le processus de fabrication qu’une grosse quantité d’énergie achetée par les sidérurgistes, estimée jusqu’à la moitié, était perdue. Plusieurs idées simples permettaient de réduire jusqu’à 21% les émissions entre 2020 et 2050 : l’installation de systèmes de récupération de chaleur pour réemploi, l’utilisation de matière première de meilleure qualité notamment le coke, le remplacement systématique du
charbon par du gaz naturel ou biogaz.

2- Capture et stockage du carbone

Capturer le carbone par la captation des fumées en sortie de processus est une autre piste envisagée. Une usine disposant d’un tel dispositif a vu le jour en 2016 aux Emirats Arabes Unis. Une autre unité de cette nature est en création en France, à Dunkerque.

3- Remplacer le coke et le gaz par de l’hydrogène

Si les deux précédentes mesures visent à trouver des solutions à court terme, celle de l’utilisation de l’hydrogène à une portée de plus long terme. Mais avec des résultats spectaculaires : une réduction de 85% des émissions de CO2 sur ces installations. Si la filière fonte est autant émettrice c’est avant tout par la très grosse consommation de coke et de gaz. Ces deux combustibles remplacés demain par de l’hydrogène, la production ne dégagera que de l’eau, qui sera réinjectée dans le système, en cycle fermé. Après une expérimentation réussie de ce procédé, une première usine verra le jour en Suède et permettra de produire de l’acier décarboné à partir de 2026. Un autre en France suivra d’ici 2027.